Les dances celtiques... Cadeau de Noël
Le Mont Darfer d'Ejiom Suel à lire sans modération.
En vente chez ediivre.com
Le petit nouveau "Au bout du compte"
né le 24 janvier 2011
chez edilivre.com
La naissance d’Ejiom
Il est là, ce petit chemin qui , un jour, c’est enfin dessiné devant moi.
Il est là, tout tordu, tout herbu, caillouteux à souhait, ensoleillé ou ombragé. Un petit chemin comme il y en a tant, comme il n’y en a aucun.
Plein de senteurs et de parfums, plein de soupirs et de caresses.
Mon chemin!
Celui que j’ai débroussaillé à coups de pied ou de hachette, que j’ai foulé ou refoulé de mes sabots crottés, de mes souliers vernis. Son ombre est douce et fraîche et sa lumière est tendre.
Aujourd’hui, je suis là, au carrefour, au coeur même de ma vie. Le passé qui se fond là-bas dans l’ombre brumeuse des souvenances et l’avenir qui se pointe aux jours des trouées du soleil, à quelques pas. Ils m’entourent tous les deux de leurs bras protecteurs, l’un me conforte, l’autre m’attire sans plus, maintenant, m’inquiéter. Jamais plus ils ne s’affronteront, plus jamais ! Ils se confondent, se marient, s’enlacent, se séparent autour d’une ornière pour m’en éviter les éclaboussures et s’épousent à nouveau sous l’abri des feuillages. Ni l’orage, ni la neige, ni le vent ne les délient, ne les délieront plus.
Le temps est immobile, passé, présent, avenir... Là, toujours là et c’est nous qui passons.
A grands, à petits pas, pas de loups, pas de souris, pas de géants... -Je me souviens d’une chanson d’enfant...- C’est nous qui avançons.
Le temps est immobile, c’est notre lit, le lit du fleuve qui coule et coule sans jamais s’arrêter. Toujours les mêmes images, les mêmes petites vagues qui clapotent au rebord de la berge, toujours, presque la monotonie et pourtant toujours à espérer !
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EVEREL .
Je suis née en l’an de grâce mille-neuf-cent-cinquante-quatre, je n’ai vu le jour que beaucoup, beaucoup plus tard.
Mais revenons au départ .
Dix ans, à peine dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale qui pourtant figurera déjà dès l’école primaire dans mes livres d’histoire ...
Une éternité me séparait de cette époque dont on parlait souvent, partout ! Une éternité ! C’était ailleurs, aussi loin pour moi que le Moyen Age, plus, tellement plus que le siècle des lumières !
Le temps, l’histoire, les âges, qu’est ce que cela peut bien vouloir dire ?
N’est-ce pas pure prétention que de vouloir les chiffrer, les limiter...
Un temps pour chacun, un autre pour tous et des temps longs ou courts pour soi, rapides ou lents, différents....
La vie a deux mesures, celle du rêve et de l’imagination et celle du vécu !
Il faut attendre et espérer pour savoir bien compter alors qu’il suffira de vivre pour savoir calculer...
Nombre de jours passés, à venir, et ceux qui ne viendront pas, ceux qu’on a évités. L’âme va à cloche-pied son bonhomme de chemin. Elle passe de l’un à l’autre comme on saute sur les pierres d’un torrent. Il lui arrive parfois de glisser sur la mousse et tout est à recommencer, ou, de juste se mouiller le bout du pied et elle repart “échaudée” prête à y regarder à deux fois avant de s’y re-poser. Chaque noyade est une re-naissance, chaque entorse une leçon. Ce sont toutes les entorses répétées qui petit à petit nous apprennent chaque fois à mieux marcher. Chaque fois une nouvelle enveloppe, tiroir aux secrets ancestraux, guide du “savoir-vivre”... Chaque fois plus d’adresses au recto comme au verso. Chaque fois la même envie folle et désespérée de lire le message, d’écrire la raison. De jeter toi aussi ta bouteille à la mer, encore un rêve de petite fille “cette bouteille vide qui espère...” qu’on pourra déchiffrer le code, le cri secret.
Elle était là cette petite fille, la seule dont je me souvienne, les autres ne sont que des souvenirs innés, sans nom, sans visage, sans image. Elles sont, elles furent... Celle-la était blonde, un peu folle peut-être mais un peu, jamais franchement, jamais vraiment.
Dans ses bouteilles vides, la petite fille que je connais, mettait tous ses espoirs, ses avenirs, que les autres ne rejetaient même pas, qu’ils ne voulaient même pas connaître, surtout ne pas entendre. C’est après tous ces :” tu dis n’importe quoi !” en guise de réponse , qu’elle s’est mise à parler à l’oreille amicale, plume d’oie, bille d’acier, l’encre trace mes espoirs, mes chemins inventés.
“A la claire fontaine
m’en allant promener,
j’ai trouvé l’eau si claire
que je m’y suis baigné .”
Everel, c’est le chemin de pierres qui mène à la fontaine, petite fille Ejiom y posera ses sceaux.
La route est longue et parsemée... Semée de graines de sourires, arrosée de tes larmes et balayée de bise et de mistral aussi. La route est longue, à petits pas il te faudra la suivre, la refaire sans plus , désormais, te perdre au carrefour.
La promenade est agréable dès lors que l’on sait où mène le sentier.
Il y en avait un derrière ma maison. Petit, coincé entre deux lignes de barbelés, je le suivais confiante, j’avais trois ans à peine, mon regard accroché aux longues jupes noires qui voulaient me guider. Elle trottait devant moi souvent - Regarde Ejiom, les bleuets...” Je courais en cueillir deux ou trois, pas trop, juste pour faire plaisir. Je ne me rappelle que des longues jupes noires et le chignon gris blanc, la main chaude et douce qui m’aidait au retour. ..
Il y en avait un autre, plus sauvage, moins précis où je courais . Il traversait les vignes, ‘oh quelques vieux ceps tordus aux raisins aigrelets. Il menait au cimetière. Nous y avons flâné, un peu plus tard, enfants joyeux et gais qui allions insouciants fleurir les souvenirs. Celui-la, je l‘ai pris de tout temps, été, automne, hiver, printemps. Herbe haute, terre séchée, raisins murs ou parterre blanchi. Les rames de haricots qu’on volait au jardin étaient de merveilleux bâtons de ski... Il m’a toujours suffi d’un bâton racorni pour être immédiatement en route pour Compostelle. Les vacances de Noël, les luges. A cinq, à dix nous nous y entassions. Les retours à la nuit presque tombée... Grand-mère, ma “Robenoire”, c’était encore bien tôt quand tu t’en est allée. J’avais à peine dix ans. Les lettres d’or sur la grosse pierre blanche ne m’ont jamais rien dit... Il fait froid en hiver sous la terre endormie. Aussi, tu es restée, ta main tenant la mienne derrière ma maison sur le sentier du mont qui découpait les prés. Après la pierre blanche, Ejiom n’y est plus retournée.
Elle en a trouvé d’autres, seule, ou bien accompagnée, triste ou gaie, pluvieuse ou bien ensoleillée.
Tous les chemins mènent au gué !
Autour de ma maison, ils étaient trois.
Trouées qui menaient, l’une aux prés, l’autre à la grosse pierre blanche et le troisième au bois. Le premier était court, barré au pied du mont, bien assez long quand même pour mes petites jambes. Le second, celui de devant ma maison déjà plus capricieux m’offrait mes tout premiers voyages. L’herbe haute de juin où j’allais m’étendre parfois pour mieux voir les nuages :”ces merveilleux nages, là-bas...” Et le dernier, celui du bois demandait, au départ, un choix. A droite “La Croix”, à gauche “Les Chiens”. Premières hésitations, premières décisions bien souvent prises sur une saute d’humeur, un simple coup de vent... La fraîcheur ou le soleil brûlant ? Quelle que soit la saison, quel que soit le climat, j’ai marché bien souvent.
J’ai marché, j’ai suivi,j’ai couru et j’en suis revenue plus riche, plus pauvre, mais aujourd’hui plu sûre de toutes ces aventures vécues ou inventées, toutes avenues, toutes à moi venues.
Dans la vie d’aujourd’hui, le temps passe trop vite, on court, on fuit et on oublie de vivre. partout les machines envahissent, détruisent et ignorent les pierres... - La pierre, c’est la vraie vie que l’on sent sous ses pieds dans la douceur ou la froidure de l’air - ...Les images défilent, les kilomètres s’ajoutent aux kilomètres sans qu’on prenne jamais le temps de les compter, de les mesurer, de les apprécier.
Un kilomètre à pied, ça use, ça use...
Les voyages à même la terre où l’aller est si doux et si dur le retour. Les joies de découvrir ce qui se cachait, champignons, primevères, caillou d’or lors du premier passage...
J’y suis passée et repassée sur mes chemins, pieds nus, bottée, mains vides ou mains liées, coeur libre ou attaché, jamais seule. Jamais je n’y ai vu le même paysage. L’ombre y battait au rythme de mon coeur. Ejiom perdu au jeu de piste, Ejiom pleurait... Ejiom reprenait sa respiration sur les rochers de la petite carrière, Ejiom posait sa main au coude de Martin, sa joue à l’épaule d’Etienne... Ejiom et ses chemins !
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Assise sur une borne, je viens me demander à quoi bon, à quoi mal la vie, ma vie avancée, je viens me demander ?
Ne passer ma jeunesse, avec pour tout compagnons que souvenirs et espoirs, assise sur cette borne j’espère encore, presque vingt ans plus tard.
La route est longue déjà et elle continue. A quand la prochaine entrevue ? J’attendrai. La patience a toujours été mon plus fidèle bâton. On l’a prise souvent pour de la paresse, mon maître me prédisait centenaire et je suis née coiffée... Mais où est Compostelle ?
Emanom où est-tu ? Te voir, te trouver enfin...
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Ejiom aimait la vie, la jeunesse et l’amour. Ejiom aimait la vieillesse et l’enfance et Ejiom attendait que l’amour l’enchante...
Qu’on laisse à la jeunesse le luxe de l’insouciance, à la maturité celui de l’abondance et qu’on laisse la vieillesse retourner à l’enfance.
Pourquoi, mais pourquoi faut-il toujours que je fasse un détour, pourquoi faut-il sans cesse que s’envole l’ivresse?
A quand la lumière du jour défiant mon regard, le point de non-retour rejoignant le départ...
Un point de non-retour qu’il me faudra franchir, un sommet à atteindre dans la solitude et la morosité qu’il faudrait enjamber. Passer le pont vers d’autres aventures ou se jeter à l’eau. Quand la goutte de trop est en suspend au bord du désespoir, il faut savoir l’essuyer d’un revers de la main et partir sur un nouveau chemin, car la laisser couler, c’est à jamais effacer l’horizon d’un nouvel avenir. Mais la mort ici, peut-être n’est pas plus terrible à envisager que la vie telle qu’elle est.
A quand de me revoir comme au tout premier jour ?
A quand de repartir à mes premières amours ?
A quand, mais à quand le grand jour, à quand le désespoir?
Il arrive que le rêve soit si fort qu’il me prenne par la main.
Everel est là !
La main s’ouvre et la terre s’écarte !
J’ai rejeté à tout jamais l’appel de la fosse .
Longtemps, des années durant, je suis restée là, à regarder derrière.
Longtemps, bien trop longtemps.
Puis j’ai ouvert les yeux et j’ai vu la lumière. Celle du jour, fraîche et nette, pareille à l’eau de source. J’ai vu les petites feuilles flotter au fil de l’eau, les cailloux arrondis par l’usure, les branchettes ballottées... Comme le chercheur d’or, j’ai saisi un tamis et sans plus rien ignorer de tout ce qui se dérobait, j’ai vu l’eau de la source et toutes les impuretés aussi. C’est un tout qu’il faut savoir reconnaître, qu’il faut savoir prendre, comprendre, éviter mais ne pas ignorer. La vérité souvent n’est ni belle à entendre ni à voir, mais il faut aller avec elle et s’en faire une amie. Elle est souvent trop simple, trop pure, son reflet ne rougeoie ni ne brille au soleil, il réchauffe aux temps froids, il éclaire la nuit. Il faut prendre sa main et ne plus la lâcher, suivre ses pas, à pas de loups, pas de souris, suivre son lit.
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Et c’est pourquoi, et c’est ainsi qu’Everel est né.
Et c’est pourquoi et c’est ainsi que je me suis bâti un monde à ma manière...
Martin s’en est allé et j’ai créé Théo. Etienne m’a laissé et j’ai gardé son sceau bien au creux de ma main.
Quoi de plus merveilleux qu’un amour de quinze ans ?
Te souviens-tu d’Ejiom ? Souvent je pense à vous. cette fillette insouciante, prête à tout apprendre, ce garçon aux yeux verts, au regard si tendre... Vos promenades, vos fous rire, vos revers...
Et des tranches de vie me reviennent. La toute petite enfance avec ses jupes noires. L’enfance toute simple, ni studieuse ni fragile, calme presque inerte. l’adolescence, le réveil, les amies, secrets, rires cachés, questions et déjà cette folle envie de vivre loin, encore plus loin que tout le monde. Et la maturité aujourd’hui, où seulement, je vois se dessiner ma vie. je crois que désormais elle m’appartient pleinement. Longtemps trop longtemps j’ai laissé à d’autres le soin de la dessiner à ma place, de la mener à leur guise et ce n’est que depuis peu que j’ai enfin compris en quels piètres artistes j’avais placé toute ma confiance, toute ma naïveté. Artistes qui après tant d’années n’avaient à mes proposer que le frottis terne et pale d’une toile, pour tout image de ma PRE-EXISTENCE.
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EVEREL !
C’est une chambre au coeur même de paris où j’ai connu le jour. Où je me suis mise au monde seule. Où je me suis émergé du plasma dans lequel je flottais depuis plusieurs décennies.
Everel, c’est six murs nus, une porte à battant au mouvement perpétuel, une fenêtre sans vue. En son centre un plateau de pin brut posé sur des tréteaux où gisait un petit tas de chiffon informe et malléable. Un plafond incolore, un sol inconsistant...
Je me suis faite moi-même au coeur de cette chambre après trente ans d’errance.
Tout était à refaire, à aménager, à construire, à créer.
J’ignorais alors combien il peut être dur de naître à trente ans avec pour tout recours l’envie d’être enfin soi-même. Combien il serait dur de faire d’everel, une chambre aux murs transparents, au plafond infini, au sol de terre battue, de feuilles rousses, d’herbe fraîche et de fleurs en boutons; dont la fenêtre donnerait sur les toits, dominerait la ville et le monde tout entier.
Cette chambre où je vais seule, mais jamais esseulée, pour y arriver, il me faut traverser un couloir très sombre où je livre mille combats héroïques avant d’atteindre la porte. Il me faut lutter contre les gardiens de ce temple qui veulent encore parfois m’en interdire l’entrée. Aucun ne m’est étranger, mais dans ce noir passage leur image s’exagère jusqu’à m’en devenir insupportable. Combien de fois déjà me suis-je retournée avant d’avoir pu le traverser en son entier, combien de fois déjà ai-je abandonné et fait marche en arrière ?
Everel, ma chambre, c’est un éden, un oasis, un paradis peut-être...
En son entrée j’ai installé une douche de jouvence, un sas de purgation où je me force à passer chaque fois. Une sorte de “déshabilloire” où je laisse accrochées toutes mes vieilles frusques et autres fausses idées et d’où je ressors neuve, née de nouveau, libre et prête à tout affronter, à tout vivre, à tout créer !
Souvent quand je viens, je revois la petite fille Ejiom solitaire, qui s’était fabriqué, elle aussi, un Everel à sa manière. Plus accessible, moins structuré... Il est vrai que les lois de l’enfance sont bien plus élastiques. Elle l’emportait avec elle partout comme un mouchoir chiffonné dans sa poche qu’elle étalait dès que l’envie lui en prenait de s’évader un peu ; sur le coin de la table au sortir du dîner, sur ses genoux pliés à l’arrêt d’une promenade, derrière des fagots en oublie d’une cachette, sur son bureau d’école en fin d’après midi ou encore comme chaque soir dans le noir de son lit. Petite scène de théâtre improvisée où venaient s’égayer toute sortes de personnages, amis, confidents qui chassaient d’un haussement d’épaule et d’un rire cristallin tous les inconvenants dont se peuplaient son quotidien.